Alors que le Burkina Faso table sur une croissance de l’ordre de 6%, le pays peine à fournir l’énergie à la réalisation de ses ambitions économiques. Principale pourvoyeuse d’électricité, la Société nationale d’électricité est presqu’à bout de souffle et a besoin d’un coup de pousse.
Il n’a pas encore trouvé la formule de la pierre philoséphale mais c’est tout comme. Paul Kaba Thiéba, le Premier burkinabè, l’a dit : les délestages monstres qui assombrissent chaque jour son pays et qui en plombent l’économie prendront fin en 2019 ! Sa solution, si tant est que c’en est vraiment une, est simple. Très simpe même : réduire le coût du Kw/h pour accroître la compétitivité de l’économie burkinabè, augmenter de 20% d’ici à 2020 le taux d’accès à l’électricité. Rien que ça. Il fallait y penser plus tôt.
Mais comment le Premier ministre compte-t-il y parvenir et avec quel moyen? En quoi la réduction du Kilowatt-heure va-t-elle réduire ou annihiler les délestages ? De cela, Paul Kaba semble n’en avoir cure. Du reste, on en aurait nous aussi ri sous cape de ce boniment, comme l’incrédule ministre de l’énergie, Bachir Ismaël Ouédraogo, s’il ne s’agissait pas là d’une question si sérieuse qui s’accomode mal d’un populisme mortifère.
Jamais depuis l’épisode « Narcisse » de mars 2008, les Burkinabè n’avaient connu pareils délestages monstres ! Des petites entreprises, mais ô combien nombreuses, mais aussi des moyennes, tournent au ralenti, bloquées dans leur production faute d’électricité.
Publiez la liste des mauvais payeurs
En réalité, depuis une décennie, les choses vont de mal en pis. Et pourtant, pour 2018 au moins, les Burkinabè avaient rêvé d’une année moins trouble, quand à coup de réclame tapageuse, le pays avait inauguré en novembre 2017, la centrale solaire de Zagtouli. Présentée comme la plus grande de toute l’Afrique de l’Ouest, elle est censée injecter en période de crête 33 mégawatts à la capacité déjà existente de la Sonabel...
Le mal de la Sonabel est connu. Structurel : mauvaise gouvernance, compilation de choix stratégiques hasardeux, faible investissement, etc. Or, jusque là, les pouvoirs successifs ne lui ont administrée que des remèdes conjoncturels. La Sonabel a pourtant besoin d’investissements massifs pour la réalisation de projets d’interconnexion et la construction de centrales solaires. De l’argent donc. Beaucoup. 663 milliards de F CFA ! C’est la somme dont a besoin la Sonabel sur la période 2015-2019 pour juguler le déficit énergétique. Après deux ans à la tête du gouvernement, Paul Kaba Thiéba ne peut prétexter qu’il l’ignore.
Avant d’infléchir le coût du kilowatt-heure, le gouvernement pourrait commencer par aider la Sonabel à rentrer dans ses fonds impayés. Et les débiteurs sont aussi connus.
En mars 2017, se fondant sur des rapports d'audit de l'Autorité supérieure de contrôle d'Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC), des organisations de la société civile demandaient à la Sonabel de publier la liste complète de ses débiteurs et des montants des arriérés de chacun d’entre eux. Ces organisations espéraient ainsi piquer ces gros mauvais payeurs dans leur amour-propre pour qu’enfin ils s’acquittent de leurs dettes. Il n’en a rien été. Cela aussi Paul Kaba ne peut dire qu’il ignore. Peut-être que c’est plus compliqué à faire que de réussir cette prouesse que le Burkina Faso seul est capable de réaliser : transformer structurellement son économie sans énergie ! Paul Kaba Thiéba n’a certes pas trouvé la formule de la pierre philoséphale. Mais il a la lampe. La lampe d’Aladin.
Boureima Salouka