L’intégration rapide des nouvelles recrues et la gestion des carrières à la fonction publique: cette gangrène de l’administration Burkinabè.
Depuis des années, nous avons toujours appris qu’il existe des difficultés pour les fonctionnaires dans la gestion de leurs carrières mais surtout les nouvelles recrues d’intégrer la fonction publique, obtenir le traitement diligent de leurs dossiers d’intégration sans trop de soucis. Certains nouveaux agents publics nouvellement intégrés affirmaient qu’il fallait faire des aller- retours interminables au risque de délaisser ton travail. D’autres soutenaient qu’il fallait poser des “cailloux”1 sur ton dossier de peur que le vent l’emporte ou encore qu’il fallait connaître quelqu’un ou avoir des « bras longs » s’éviter le calvaire existentiel.
Nous pensions à l’époque que les difficultés recensées étaient liées entre autres à l’absence de moyens modernes au sein de l’administration publique qui facilitent la gestion des dossiers et des carrières notamment l’informatisation générale de l’administration publique. Mais nous pensions aussi que cela constituerait un vieux souvenir avec le projet de modernisation de l’administration publique mis en route depuis 2017.
C’est pourquoi, nous avons applaudi jusqu’à rompre le souffle l’adhésion de notre pays en 2016 au Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (PGO). En rappel, l’un des objectifs du PGO est d’exploiter les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) pour renforcer la qualité de la gouvernance et lutter contre la corruption. Les TIC au-delà des risques, offrent d’énormes possibilités à notre pays et aux citoyens pour faciliter les choses et rendre plus accessibles l’administration publique.
De nos jours, il est inadmissible et inacceptable que de telles pratiques moyenâgeuses persistent. Comment peut-on comprendre que jusqu’à présent, la lenteur dans les ordonnancements, entraine des retards de salaires pour les nouveaux fonctionnaires ? Qu’est-ce qui se passe réellement? L’administration a-t-elle recruté des gens dont elle n’a pas besoin? Pire, comment un fonctionnaire peut-il prendre service et exercer régulièrement ses fonctions sans être mandaté c’est-à-dire sans possibilité de recevoir un salaire à la fin du mois ; et cela pendant plusieurs mois ? C’est ahurissant et totalement incroyable une telle situation. Nous avons vraiment besoin de comprendre et le gouvernement est interpellé.
Nous avons suivi avec étonnement la conférence de présence du 5 février 2020 au cours de laquelle, les organisateurs indiquaient que quelques 500 médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes seraient sans mandatement depuis quatorze (14) mois2. Comment cela est-il explicable dans un Etat normal et qui se dit sérieux ? A ce rythme, nous sommes fondés à penser et à dire que l’administration avec en premier chef le gouvernement cultive sciemment et inconsciemment le lit de la corruption, de l’affairisme et de la courte échelle. Il faut pouvoir situer clairement les responsabilités : qui du Ministère de la santé ou des départements ministériels tout court, du Ministère en charge de la fonction publique ou de l’un quelconque des services des ressources humaines des départements concernés ou même d’un individu est-il en cause ?
Il est vraiment temps que le gouvernement joue franc jeu et travaille à éviter les comportements qui n’honorent ni la république ni les fonctionnaires, ni les citoyens simplement. Si nous voulons gérer les ressources humaines de façon optimale pour une administration publique performante, nous devrions commencer par résoudre ces problèmes auxquels les fonctionnaires font face.
Le Secrétariat permanent de la modernisation de l’administration et la bonne gouvernance (SP/MABG) est vivement interpellé. Il doit jouer pleinement son rôle afin que les objectifs du PGO deviennent une réalité.
La plaie qui existe peut être traitée. Encore faut-il une thérapie à forte dose pour fixer définitivement le problème. La dématérialisation des documents administratifs devrait pouvoir contribuer à cela.
Diakonia Burkina Faso
1 C’est la forme imagée utilisée par les citoyens pour désigner les paiements informels, les pots de vins pour soudoyer les agents en charge du traitement des dossiers du personnel.