Burkina Faso : Sur un air de pré-campagne
Alors qu’il vient d’entamer la dernière moitié de son mandat à la tête du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, malgré des résultats encore mitigés, a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2020, entraînant le pays dans une campagne avant l’heure. 2020 c’est déjà maintenant !
Il serait un sprinter que Roch Marc Christian Kaboré aurait été disqualifié pour faux départ. Mais la politique ce n’est pas l’athlétisme. Ici, inutile de partir à point. Il faut juste démarrer bien avant l’heure convenue. Surtout quand son moteur carbure au diésel. Cette maxime aux accents « gondwanaéens » siérait bien au Président Kaboré. Lui qui, à mi-mandat, sans même avoir été investi auparavant par son parti et ses alliés, s’est déclaré candidat à la présidentielle de 2020 au Burkina Faso.
Orphelin de Salif Diallo, son faiseur de roi et, presqu’esseulé depuis que le bouillant Simon Compaoré semble émoussé, le Président Kaboré le sait, pour défendre son bilan et espérer prolonger de 5 ans son bail au palais de Kosyam, il devra lui-même descendre cette fois-ci dans l’arène pour batailler.
En annonçant sa candidature sans l’aval officiel de son parti, Roch Marc Christian Kaboré a voulu envoyer un message assez clair à ceux qui, dans son propre camp, auraient des appétits présidentiels. Ils devront ravaler leurs envies ou aller voir ailleurs. Les primaires, ce ne sera pas au MPP. Encore moins avec le Président sortant, requinqué par le dernier sondage d’opinion du Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) qui lui a attribué un score assez flatteur de 51,14 % de Burkinabè satisfaits de son action.
Alliance
Si Kaboré a si tôt dévoilé ses intentions, c’est qu’il semble conscient qu’en face pourrait se constituer contre lui, une alliance circonstancielle des principales forces de l’opposition qui, malgré leur apparente atonie, pourraient bien lui rendre la bataille pour Kosyam beaucoup plus ardue qu’elle ne l’a été en 2015. Pour preuve, son annonce a eu pour effet de faire se bouger ses adversaires.
Supplantée jusque là dans le débat public par les acteurs syndicaux, l’opposition politique, régroupée au sein du CFOP, semble enfin se décider à sortir de sa longue torpeur. À commencer par son chef de file, Zéphirin Diabré, dont le parti, l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC), qui même lézardé par des dissensions internes, ne fait plus mystère de ses intentions de rapprochement avec le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), l’ancienne majorité.
Si les fiançailles entre l’UPC et le CDP n’ont pas encore été officialisées, tout porte à croire qu’un front anti-Kaboré pourrait se constituer bientôt, du moins, en cas de second tour. Nous en sommes encore loin. Dans l’immédiat, l’opposition tout comme la majorité devront s’atteler à une urgence que le sondage d’opinion du CGD a révélée : un peu plus de 7 Burkinabè sur 10 (72,1% ) ne font pas confiance aux partis politiques.
On ne peut parler de désamour. Mais il y a comme une sorte de lassitude et de déception. Tous devraient s’en inquiéter. Et rectifier le tir. Le Président Kaboré vient de leur en donner l’occasion. Pour 2020, le vote des Burkinabè de l’extérieur sera effectif. Plus que des déclarations médiatiques sans tranchant, c’est déjà sur ce terrain que l’opposition et le pouvoir devront faire leurs preuves. 2020, c’est maintenant. Si loin, si proche.
Boureima Salouka